Photos : A. Finistre / Textes M. Chevassus

lundi 21 février 2011

Rien ne changera...

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Pourquoi la révolution ne changera-t-elle pas grand chose au régime égyptien?

Le professeur Mohamed Darif estime que les analystes les plus avertis savent bien que le prochain successeur de Moubarak ne sera qu’un militaire. Par Khalid Darfaf

http://www.albayane.press.ma/chroniques/interviews/6866-entretien-avec-le-professeur-mohamed-darif-lnle-regime-egyptien-en-quete-de-legitimiter-.html

Ca ressemble à cela, la Libération?

« Welcome to my country ! », les jeunes Egyptiens ont l’agréable impression d’avoir repris possession de leur pays. Alors que la nuit tombe par une vingtaine de degrés, ils fêtent leur libération par la Révolution. Les terrasses des cafés sont pleines à craquer, on rit, on chante, les feux d’artifices s’improvisent dans les rues mal éclairées du centre-ville au Caire.
Voilà désormais une semaine pile que la Révolution a porté ses fruits. Depuis une semaine, les habitants respirent, après dix-huit jours de peur. Quatre vagues successives durant lesquelles les protestations contre le gouvernement se sont amplifiées d’un coup, obligeant le régime visé à riposter de façon détournée (via des groupes de casseurs, via les forces de police et probablement d’autres moyens détournés pour provoquer la terreur). La répression aura fait plus de 350 morts parmi les civils. Les étrangers encore présents sur le territoire ont souffert de la suspicion générale à leur égard durant plusieurs jours:  sus aux espions venus de l’étranger! Un journaliste a été abattu par un sniper et une consœur de la BBC s’est faite molester par des locaux.
La journée du 18 février signe le début d’un nouveau monde pour les citoyens égyptiens. La population jouit d’une immense fraternité, et la rue sent bon la liberté.
C’est donc cela, l’euphorie de la Libération? Une jeune femme tenant un drapeau quitte le bras de son conjoint pour courir vers un autre couple et leur lancer : « L’Egypte est libre! Tahrir, Tahrir! ». La place figure désormais au rang des grands lieux historiques. Dîtes Tahrir, on saura tout de suite de quoi vous parlez : de la Révolution égyptienne.
« C’est une petite révolution », analyse un photographe américain. En effet, les lois, le système n’ont pas été revus en profondeur. Le régime décapité attend son nouveau président. Mais de la plaie s’évadent des fleurs. Le peuple attend un renouveau et garde espoir de voir une démocratie apparaître comme un sphinx. Aujourd’hui, même si les chars militaires quadrillent les rues, on rêve du moment où l’on sera libre. Bientôt.
La jeunesse en rêve. Marre de se faire contrôler dans la rue, de subir à chaque fois un véritable interrogatoire, de se voir mettre en prison et de disparaître sans explication, de ne pas pouvoir émettre la moindre critique sur le gouvernement, et marre, marre de cette misère sociale, du chômage, de la hausse des prix.
« Le président nous a tué en ignorant les problèmes de la population. Le pays est riche, mais la société est à deux vitesses », expliquent de jeunes adultes installés sur une terrasse devant un verre de thé. « Ceux qui sont proches du pouvoir peuvent rapidement devenir très riches (à l’instar de ce percussionniste Ahmed Ezz devenu millionnaire comme par enchantement), les autres ont des situations de plus en plus préoccupantes. Certains enfants travaillent dès l‘âge de 5 ou 10 ans (vente de mouchoirs et bibelots, restauration ou même travail sur les chantiers), de nombreuses familles au Caire sont réduites à la mendicité.
Voilà donc que disparaît enfin le spectre d’un avenir bouché. Place aux rêves, on refait le monde avec entrain en fumant une shisha, on discute du passé et du futur devant la télévision diffusant les informations internationales. Les clips vidéos et les jingles des chaînes exhibent fièrement des images de la révolte doublées d’une musique triomphale et gonflée d’émotions.