Photos : A. Finistre / Textes M. Chevassus

Humeur

Dernier jour sur le terrain.

Je n’en peux plus d’être prise à parti tout le temps sur le terrain. Je comprends que l’on me demande de l’aide, mais le seul pouvoir que j’ai ici, c’est de ramener des témoignages suffisamment parlants dans les pays riches. Là, les gens peuvent encore se mobiliser. Ici, les populations sont de plus en plus faibles chaque jour, les enfants meurent, ils souffrent de toutes les épidémies qui passent. Les réfugiés sont inquiets pour leur sort, pour leur futur. Même s’ils ne comptent plus tellement dessus. Ils vivent au jour le jour. Ils sont de plus en plus tendus et c’est compréhensible. Je représente l’argent, le gros capital, la personne qui distribue des bonbons et des billets. Mais nous avons nous-mêmes des difficultés d’argent, ce voyage est très cher, comparé à ce qu’il est possible de vendre dans la presse. Pourquoi ne sont-ils pas de bons interlocuteurs pour nous alors que nous sommes quasiment les seuls sur place?
Voilà dix jours que je travaille sans relâche. Nous marchons dans les camps toute la journée, travaillons le soir, parfois sans avoir le temps de se laver ou de se détendre une demi-heure. Je commence à fatiguer, à rejoindre l’état de ces gens ici, faibles, en plein mois de Ramadan. Eux qui ne veulent plus faire l’effort de se mettre debout, de se déplacer. Je suis crevée, j’espère que d’autres prendront le relais parce que l’on ne doit pas laisser une société mondiale se déséquilibrer autant. C’est criminel à mes yeux.