Photos : A. Finistre / Textes M. Chevassus

vendredi 4 mars 2011

Entre la Libye et Paris

Un gouffre nous sépare désormais, bientôt la suite de la rédaction...

mercredi 2 mars 2011

Suivre ou être suivi

« Tu ne devrais pas t’inquiéter » me dis-tu, ici, dans cette grande chambre aux murs roses, au centre du Caire. Autour, la ville est en ébullition. Une clameur vient de la rue, un étage plus bas. Mais ce n’est pas la foule, c’est un écran plat qui hurle. La télévision relate en arabe les actualités du Moyen-Orient en pleine révolution et je ne comprends pas un traître mot aux discours fleuves scandés par les chefs politiques. Rien n’est concret, comme dans un rêve où la réalité du langage m’échappe.
Je croyais arriver dans un pays libéré de ses tensions, mais elle est encore lointaine l’Egypte du peuple, indépendante et souveraine. Au lendemain des célébrations, la gueule de bois fait mal. Dans les yeux des gens, je sentais le patriotisme victorieux des premiers jours, désormais je vois un nationalisme jaloux. Welcome. Que fais-tu dans mon pays? Es-tu journaliste, es-tu espion? Qu’est-ce que tu veux savoir? Seule touriste d’un pays nouveau né, je suis une agression visuelle pour les fragiles rescapés de ce qu’ils appellent la révolution. Après tout, qu’est-ce qui a changé? Le rais est tombé. A 82 ans, à quelques mois d’abandonner le pouvoir à son fils. Si ce n’est toi, si ce n’est ton fils, qui sera-ce donc? La tête coupée, le corps titube. Le squelette, c’est le peuple. Le cœur et les poumons, ce sont les militaireS. Les bras sont encore tenus par des ficelles, la marionnette ne s’est pas affranchie de son père créateur Gepetto en costume kaki.
Le spectre de la police, tapie dans l’ombre des ruelles et des pas de portes ne me rassure pas. Eux qui ont tiré sur la foule à balles réelles, eux qui ont semé la terreur sous le régime tenu en état d’urgence perpétuel, eux qui censurent la voix internationale à coups de matraques sur les journalistes. Eux qui se disent manifestants pro-Moubarak pour éviter de dire qu’ils n’ont fait que tomber le costume.
Je les vois me prendre en photo, me filmer, enregistrer ma voix, vouloir mon numéro de téléphone, mon prénom. Ces indics maladroits me mettent mal à l’aise. Qu’est-ce que je pense de la révolution? Comme tout le monde. Oui, mais es-tu bien sûre, ma belle, que tout le monde pense la même chose dans les rues? A qui faire confiance. Bien naïve cette petite France qui croyait que la démocratie serait toujours acclamée à l’unanimité, bien naïve elle qui pensait qu’un peuple enchaîné pouvait n’aimer que la liberté. Et la liberté d’expression.