Photos : A. Finistre / Textes M. Chevassus

jeudi 12 mai 2011

Pâques, ce que vous n'auriez pas dû savoir...

Pâques est pour les Chrétiens du monde entier un intense moment de spiritualité que l’on partage. Surtout dans une capitale religieuse comme Jérusalem. L’assertion semble évidente, et claire comme de l’eau bénite. Mais en sommes-nous bien sûrs? Quelques pas dans la ville des trois religions du Livre ont plutôt tendance à nous prouver le contraire. Passage en revue des couacs, des flop et des wizz.

Croche-patte devant le tombeau du Christ
Quand les pèlerins s’accrochent avec des religieux orthodoxes devant le tombeau du Christ, ça fait crac, boum, hue dans le Saint-Sépulcre. Edmond, 73 ans et ses deux amis, Suisses de Bâle, sont venus ensemble pour un pèlerinage d’une semaine en Israël. Leur passage par Jérusalem les laisse un peu perplexes : « Ce qui m’a le plus surpris, c’est que des gens sur-énervés (pélerins et religieux)en viennent aux mains à l’intérieur d'un lieu saint. Je ne m’attendais pas vraiment à cela en venant sur la tombe de Jésus. » Depuis enfant, il rêvait de poser une fois au moins le pied en Terre Sainte, c’est chose faite.

Checkpoints sur le chemin de croix
« Laissez nous entrer dans nos lieux saints! Nous sommes des pèlerins. Nous sommes venus ici exprès! Et vous allez me dire que je ne peux pas accéder à ma messe!? » lance un père de famille agacé par les barrages imperméables, bloquant l’accès au Saint-Sépulcre. Si l’atmosphère a été un peu tendue entre les jeudi et samedi saints, c’est que l’affluence dans la vieille ville était très importante. En effet, 250 000 personnes sont venues en pèlerinage à Jérusalem pour Pâques, soit l’équivalent d’une ville moyenne comme Dijon qui se rajoute à un espace d‘une superficie inférieure à un unique kilomètre carré. Parmi eux environ 100 000 chrétiens. Les autres sont des Juifs venus fêter Pessah et se recueillir auprès du Mur des Lamentations. Un nombre record selon le ministère du Tourisme israélien. Du coup, les rues bondées sont gérées par la sécurité, soit un panaché de militaires et de policiers.

Droit d’entrée illégal
Las d’attendre, certains pèlerins pensent à des solutions de contournement. C’est le cas de Max, un Russe de 23 ans un peu pressé, qui « n’en croit pas encore ses yeux d’être ici » et qui « ne veut pas faire l’impasse sur les célébrations ». Il a entendu une rumeur selon laquelle on pouvait passer outre les barrages, moyennant une somme de 100$ cash. En effet, quelques minutes plus tard, un homme s’avance et propose ses services moyennant 20 $ par personne. Il s’est procuré un laissez-passer officiel, il prétend pouvoir le faire entrer.« Ne va pas avec lui, prévient Usama, un jeune vendeur de rue,je ne le sens pas. Et n’essaie pas de contourner les check points en payant le gérant du café pour qu’il te fasse traverser.» Max suit son guide malgré tout, sous l‘œil inquisiteur des policiers. Ils disparaissent ensemble dans les ruelles. Usama l'a pourtant avertit :"S’ils te prennent sur le fait, je te jure que tu vas passer un sale quart d’heure! Tu garderas un très mauvais souvenir de Jérusalem"

En parlant de souvenirs de la ville…
Un commerçant installé dans le coude d’une petite ruelle débouchant sur l’église du Saint-Sépulcre pointe du doigt son étal. Il explique à ses clients : « Voilà une croix en bois sacré, elle est confectionnée à la main. » Si Baha, 27 ans, vend ses souvenirs suffisamment régulièrement pour entretenir correctement son fond de commerce, c’est qu’il a un argument de poids. « Les objets religieux se vendent bien. Et en particulier les rosaires, les cierges, les huiles saintes et les croix. » Prix du crucifix: de 10 à 500 shekels (soit 2 à 100 euros). Matière : bois d’olivier. Lieu de provenance : Bethléem. Taille : 15 à 50 centimètres. « Les pèlerins font leurs achats à Jérusalem, car nos articles proviennent de lieux saints. » L’argument fait mouche, certains croyants tiennent cinq à six crucifix à la main. Des cadeaux souvenirs pour la famille?

Fous de Dieu
Il a beau déambuler pieds nus dans les rues pavées et glissantes, porter une toge blanche à la façon antique, arborer une barbe et des cheveux mi-longs, il n’est pas si fou que cela. James est originaire de Détroit dans le Michigan. Ses allures de Jésus lui ont valu de recevoir le surnom de Jesus Guy aux Etats-Unis où il est bien connu des médias. Un documentaire a même été réalisé en 2007 par Sean Tracey sur son histoire. « J’ai découvert ma voie dans le catholicisme il y a 19 ans maintenant », une révélation pour ce cinquantenaire qui se cherchait à l’époque (Gandhi ou Bouddha?), et s’est trouvé dans les Evangiles offerts par son père. Jérusalem est connue pour provoquer un syndrome bien particulier, rendant fou les croyants sûrs d’être devenus saints ou des personnages bibliques, tellement le choc émotionnel est grand. Une Anglaise notamment, au début du siècle s’est mise à attendre l’arrivée du Messie sur le Mont Scopus, avec .. une tasse de thé. Mais James, lui, n’est pas de ceux-là. (Son portrait bientôt dans On les a rencontrés)

Appareils photos

« S’il vous plaît attention à ne pas mettre le flash dans l’église. » Les religieux arméniens n’avaient pas pensé au flot de touristes qui débarqueraient en plein milieu de la messe du lavement des pieds. Comme un seul homme, tous les bras se lèvent, perché à leur extrémité, à bout de doigts, un appareil photo. Flash! Clic Clac! C’est dans la boîte. Une quarantaine d’écrans LCD brillent comme autant de chandelles, les points rouges font la mise au point sur les prêtres, un petit bruit d’agrément indique que la photo a été prise. « Personnellement, ça ne me dérange pas, je ne trouve pas que cela enlève au charme de la célébration. Je n’utilise pas d’appareil photo, même si j’aimerais faire des images souvenirs. La raison? J’ai peur qu’ici, on me le vole », confie Olga, pèlerine ukrainienne de 27 ans.

Et la piété dans tout ça?
La question est cruciale. Une des réponses les plus illuminées vient de Bjorg, norvégienne de 65 ans :  « L’atmosphère n’a rien de très pieuse pour un lieu de pèlerinage en pleine semaine sainte, mais bon. On fait avec. Je prends des photos, je sais intellectuellement que ce sont les lieux où a vécu le Christ. Voilà. Pour la spiritualité et le reste, c‘est ici que cela se passe», tapant sur son cœur.

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