Photos : A. Finistre / Textes M. Chevassus

vendredi 11 mars 2011

Aux côtés des insurgés

Actualités croisées : Si la guerre m’était contée par … les Insurgés.

La guerre lente, aux côtés des insurgés sur le front de Ra’s Lanuf

Les informations défilent vite, avec leur lot de morts et d’offensives sur le grand compteur de l’actualité libyenne. Vu de l’extérieur, la zone est chaude. Sur place, au quotidien le temps s’égrène plus lentement. Les hommes en faction à l’est du front de Ra’s Lanuf attendent, l’arme au poing que les loyalistes du dictateur Kadhafi contre-attaquent. Incursion en terre rebelle.

Hier après-midi (mercredi), dans la salle de presse de Benghazi, l’info est tombée : Ben Jawad, le premier verrou stratégique de la région Tripolitaine a sauté. Le village frontière est au mains des insurgés. La nouvelle fait sursauter de joie pendant un petit moment, mais on se ravise, l’aviation a également réussi à toucher la raffinerie de pétrole de Ra’s Lanuf, le site le plus important d’Afrique.
Depuis la France, ce ne sont que deux lignes de plus dans un fil d’informations qui se succèdent. Mais les avancées de ce type prennent une toute autre signification lorsqu’elles sont vécues depuis le front, où l’attente dans ce désert vide de promesses immédiates favorise le doute. Où la conviction de suivre une noble destin est le seul costume et la seule arme valable pour ces troupes inexpérimentées.

"Pour que nos enfants n'aient plus à vivre les exactions de ce régime"

A Ra’s Lanuf, les combattants sont des hommes ordinaires, animés par une soif de liberté. Ils ne sont pas entraînés, ils ne sont pas militaires de formation, la plupart n’a jamais manié une arme à feu. Il y a des jeunes, des plus vieux, ils ne travaillent plus depuis que la société est paralysée. Alors, ils tentent d’aider leur cause. Beaucoup d’entre eux ont rejoint le mouvement suite à une triste histoire : un père de deux enfants explique : « Ils ont tué ma femme, je n’ai plus rien à perdre ».

Les plus aguerris, d’anciens militaires, occupent des postes-clé. On trouve beaucoup d’anciens combattants du Tchad. Ils tentent d’organiser cette rébellion, mais les ordres viennent de Brega, situé à 150 kilomètres de la ligne de front. Aussi, certains commencent à se décourager un peu. La plupart dorment dehors. Ils sont mal équipés, et n’ont pas de réelle tactique. Lorque le vent se lève et balaie ces étendues désertiques, il y a vraiment de quoi déchanter. Ils attendent là et ripostent comme ils peuvent aux bombes lancées par l’aviation contrôlée par les forces loyalistes.
Malgré tout, ils ne baissent pas les bras. Ils savent peut-être qu’ils sont moins nombreux, moins bien équipés, mais leur combat est noble et justifié. Et avec la présence des journalistes, ils se sentent soutenus. Beaucoup paradent sous les objectifs, fiers de leur combat. Les effigies de Kadhafi sont livrés à la vindicte populaire, on se défoule sur lui en attendant le prochain raid aérien.

S’ils ne sont pas des professionnels de la guerre, pour autant ces combattants-pères de famille, en civil (baskets, jean ou jogging, parfois djellaba), n’ont pas peur de mourir «Toutes ces exactions commises à notre encontre par le régime de Kadhafi nous renforcent chaque jour un peu plus. Nous sommes solidaires et prêts à aller au bout quoi qu’il en coûte. Nous n’avons plus rien à perdre. Nous donnerons nos vies s’il le faut pour que notre jeunesse ne vive plus ainsi», explique courageusement un homme d’un certain âge. Lorsqu’une bombe tombe à proximité de Ra‘s Lanuf, on court pour se mettre à l‘abri, sans paniquer. Seuls les hommes installés sur les batteries anti-aériennes continuent de tirer dans un vacarme assourdissant. Une fois l’orage passé, tout le monde revient en hurlant « Dieu est grand », priant que les frères postés plus loin dans le désert ne se soient pas fait toucher. Ca sent la poudre. Et pour cause, les rebelles manifestent leur joie de pouvoir résister à l’aviation en tirant des rafales de kalachnikov en l’air sans se soucier du stock de munitions. Cela leur met du baume au cœur. Ils ont même écrit liberté hier dans le sable avec des douilles ramassées par terre.

De l’extérieur, la communauté internationale s’impatiente un peu. Le cours du pétrole n’a jamais été aussi haut depuis 2008, et la révolution s’est muée en guerre dans laquelle aucun camp ne prend vraiment le dessus. Presque décevant. La communauté internationale peine à trouver un accord commun pour réaliser cet espace anti-aérien, afin de protéger les rebelles libyens des bombes. Les insurgés en danger sont déçus d‘entendre que certaines puissances font un pas en arrière. Sur place, on ne veut « pas d’ingérence comme en Irak », mais on sent bien qu’on aurait besoin d’un peu d’aide, de soutien diplomatique, comme celui que leur apporte la France envers qui ils sont reconnaissants. A Ra’s Lanuf, on craint malgré tout que la lassitude et l’épuisement n’emportent ces hommes qui ne dorment quasiment plus depuis des jours.

texte : Arnaud Finistre, Marion Chevassus

1 commentaire:

  1. Salut Nono,

    C'est à la fois avec plaisir et une pointe d'inquiètude que je découvre votre blog. Les photos sont magnifiques, les petites histoires édifiantes.

    J'espère quand même que tu restes à distance respectable des gars qui ont une hache dans les mains ! ;)

    Je continue à suivre votre périple, prenez soin de vous...

    Et si tu souhaites un lieu à Lyon dans lequel exposé tes clichés lorsque tu rentreras, fais-moi signe, notre porte est grande ouverte !

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