Photos : A. Finistre / Textes M. Chevassus

mercredi 9 mars 2011

A la guerre, comme à la guerre...

Retour sur les prémices de l'aventure

Aéroport du Caire, le 2 mars, 20 h 40.
Ibrahim est en retard, je suis inquiet. Trois jours plus tôt sur Tahrir square, haut lieu de la révolution Égyptienne, il m’a demandé pourquoi je tenais tant à aller en Libye. «Pour être là le jour ou Kadhafi tombera» bien-sûr. «Toi, tu es mon ami !» s'est-il alors exclamé en me tapant chaleureusement dans le dos avec un large sourire. Quelques minutes plus tard, il arrive. Je le retrouve comme je l’avais quitté au milieu des manifestations de la place Tahrir : des souliers en cuir, une chemise à rayures et une veste de costume. Étrange idée que de partir en Libye habillé de la sorte... Nous sautons dans un bus, puis un taxi pour finalement rejoindre Alexandrie à bord d’un van. Mais déjà sur le trajet, il s’agite la mine inquiète. «Je n’ai pas mon passeport» me dit-il... Il retourne le peu d’affaires qu’il a emporté dans son tout petit sac, mais rien.

Sallum, 17 heures plus tard.
L’agitation des nombreux réfugiés égyptiens qui s’impatientent, dans cette ville frontalière avec la Libye, tranche avec le calme de cette ville de bord de mer. Peter, un photographe anglais arrivé seul depuis le Caire nous a rejoint. Il travaille en free lance et aimerait faire partie du voyage. Ibrahim court partout, il discute à droite à gauche. Puis sur une terrasse improvisée il invite plusieurs personnes à partager son café, celui qu’il trimballe dans son sac. Les informations qu’il nous transmet ne sont guère rassurantes mais il est confiant.
Vers 17 heures, son téléphone sonne, il se redresse subitement. «Let’s go Arnaud!». Nous allons passer la frontière! Peter, pris de cours, pas certain de vouloir courir le risque, décide finalement de ne pas suivre.
Deux bédouins nous embarquent alors dans leur pick-up pour rejoindre le poste frontière. Sur place des centaines de réfugiés soudanais attendent dans le froid. Une distribution de nourriture crée la pagaille.

Un taxi pour Tobrouk
La nuit est tombée. Et j’ai perdu Ibrahim...
Je le retrouve un peu plus tard, la mine déconfite. Il vient de s’entretenir avec un général Egyptien qui lui a clairement fait comprendre que sans passeport, il ne reviendrait pas en Egypte. Quant à moi je suis passé au bureau des visas faire apposer le tampon «sortie».
«Tu vas y aller seul?», il me demande. «Pas question, on est venu ensemble, on reste ensemble, jamais on ne te refusera l’accès à ton pays dans de telles conditions. On y va».Il n’en faudra pas plus pour le convaincre.Une heure plus tard nous montons à bord d’un minibus vide. Le chauffeur ressemble à Luc Besson. Il a l’habitude de faire ce trajet.
Après un no man’s land de 5 km nous arrivons enfin à la frontière Libyenne. Des hommes en armes sont là et contrôlent les véhicules. Deux d’entre eux, l’air sévère s’approchent de moi. Il me posent les questions d’usage : «Pourquoi venez-vous ici, pour qui travaillez vous?» Il vérifient mon passeport, ma carte de presse, font mine de tiquer et finalement il me serrent la main chaleureusement en me remerciant d’être là. «Bonne route et faites attention à vous» nous lancent-ils. Cette fois nous y sommes. Tout paraît étrangement calme. Notre chauffeur toujours pendu au téléphone avale les kilomètres à plus de 180 km/h de moyenne. À Tobrouk, nous repartons avec deux équipes de quataris qui acheminent des vivres à Benghazi. Nous roulerons de longues heures pied au plancher.

Benghazi, 1 h 30 du matin.
À cette heure là, tout est extrêmement calme. Personne dans les rues. Un homme s’arrête et se propose de nous déposer dans un petit hôtel. Là le gérant nous propose un thé et une shisha dans le café qu’il tient juste en dessous. Derrière le rideau de fer mi clos, une dizaines d’hommes discutent joyeusement en regardant Al Arabia. Ibrahim leur raconte brièvement notre histoire et de là chacun se propose de nous aider. L’un d’entre eux lui donne une carte sim libyenne, un autre se propose d’être notre chauffeur pour le lendemain et un troisième nous invite pour dîner le lendemain. On ne pouvait guère tomber mieux, je pense.

(à lire, le portrait d'Ibrahim dans "On les a rencontrés")

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