Photos : A. Finistre / Textes M. Chevassus

lundi 15 août 2011

De l'autre côté du miroir

Elle coupe le centre en deux. Traverser la Moi Avenue, c’est poser le pied dans un monde diamétralement opposé au Nairobi, disons… chic. De l’autre côté de l’artère à 4 voies, les passants sont cinq fois plus nombreux. Pas un étranger ne s’y promène. Et plus on avance vers l’est, côté Eastleigh avenue, plus le sentiment de s’enfoncer dans l’Afrique profonde s’impose. « Mon métier à plein temps, c’est de pousser ce diable », informe Mohamad au coin d’une rue. Bientôt rejoint par cinq collègues en tenue de travail, il apprend comment des pays comme la France ou les Etats-Unis se servent encore de cet outil infernal au quotidien. « On serait donc pas si arriérés que cela… »
Quelques minutes de matatus (transport en commun local) plus tard, nous arrivons sur Eastleigh avenue. Eastleigh n’est pas un bidonville, mais à côté le Bronx est un quartier résidentiel - et Fifty Cent, un gosse de riche. Une sorte de pollution noire plonge les environs dans une ambiance post-apocalyptique cradingue, parfois suffocante. Des foyers réduisent en cendre les dernières poubelles qui n’auraient pas été recyclées par les vaches ou les enfants des rues. Des pneus éventrés gisent en tas sur un côté de la route, ils sont recyclés en tongs du désert, increvables. La circulation est chaotique, encombrée. Les trottoirs sont optionnels et l’on fabrique du charbon sur des terrains vagues, au milieu des flaques noires et des sacs plastiques.
Nous devions rejoindre la station de bus de l’est afin d’y retirer un ticket de bus pour Dadaab. Pour info, il s’agit du plus grand camp de réfugié existant sur terre. Un ventre affamé depuis des années, un « enfer à ciel ouvert » comme titre le Nouvel Obs. Question enfer, je croyais qu’on y était presque. Mais, non, il y a toujours pire. Sauf que notre imagination occidentale a des limites.

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