Photos : A. Finistre / Textes M. Chevassus

lundi 15 août 2011

Sur la route de Dadaab

La route pour Dadaab est en soi une aventure. Je connaissais le mot « bumps » en anglais, il me servait à décrire les soubresauts causés par les ralentisseurs, en ville. Aujourd’hui, il a pris une toute autre dimension. Un bump est comme une unité de mesure. C’est environ 20 centimètres de décollage du siège, une seconde de lévitation, une fois toute les dix minutes environ. Dadaab est à environ 45 bumps de Nairobi, c’est-à-dire huit heures de voyage. Non-stop.
Jusqu’à Garissa, l’est kenyan semble à peu près viable. Une route, de plus en plus ajourée, court en direction de la Somalie. L’eau a fait pousser les derniers feuillus. Mais après Garissa, elle s’est définitivement évaporée. Sept ans qu’il n’a pas plu comme il fallait. La piste se couvre d’une épaisse couche de sable ocre, les arbres râblés portent des épines, rarement des feuilles.
Blanchi par la poussière, le paysage a soif. La terre fine colore l’air, emplit les poumons, étouffe les vieilles musulmanes en plein jeûne du Ramadan. Pas d’eau, seulement ses larmes qui sortent à gouttes comptées sous l’effet de la toux. Comment peut-on vivre dans un milieu si minéral? Où même l’air est chargé de particules solides, où la sécheresse s’empare des gorges puis des esprits, où l’on se sent abandonnés par le monde vivant. La carlingue du bus est brûlante. Il fonce à vive allure au milieu du bush déserté.
Sur la route galopent des mini-bambis pas plus haut que des chats, sautant merveilleusement bien sur le bord de la piste (des hallucinations?) mais aussi ce qu’il conviendra d’appeler des « espèces de vautours bizarres », croisement entre le charognard de westerns et le pélican.

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