Photos : A. Finistre / Textes M. Chevassus

lundi 15 août 2011

Mohamed, Isnano, Hassan et les 400 000 autres

« Je suis sûr qu’il va pleuvoir », Mohamed regarde avec un peu d’espoir le ciel menaçant. Voilà trois ans que la situation est vraiment critique dans les régions désertiques de la Corne de l’Afrique. L’eau n’est pas tombée régulièrement sur ces terres arides et a achevé d’assécher les sols, tué les cheptels de ces populations villageoises tirant leurs principales ressources de l’élevage. L’horizon est gris, mais aucune goutte ne tombe.
Les Somaliens déjà éprouvés par des années de conflit, ont pris la route après avoir vendu tout ce qui leur restait. Ils se dirigent vers un camp, tristement réputé pour être le plus grand du monde, avec l’idée qu’ils y seront bien accueillis, qu’ils pourront y recommencer une vie nouvelle.
« J’ai dû les porter à tour de rôle durant 10 jours de marche épuisante », Isnano est une grand-mère de 60 ans, venue seule avec ses trois petites-filles de 6, 7 et 9 ans. Arrivées affamées au centre de réception de Daghaley, le site le plus au nord de Dadaab, elles ont reçu des habits, une ration de nourriture, et se sont faites examiner et vacciner par l’ONG Médecins Sans Frontières après une longue attente.
La vague d’arrivée a été telle, 127 000 personnes depuis le 1er janvier 2011, que les trois sites constituant le camp ont été submergés. Autour se sont construits des « outskirts », soit des ceintures où les nouveaux arrivants construisent des abris de fortune, en branchages recouverts de sacs plastiques, de cartons, de tissus quémandés aux voisins installés et déjà enregistrés par l’autorité du Haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies (UNHCR).
Hassan est arrivé la nuit dernière de Jamaame : « On m’a donné des rations de nourriture et quelques biens de première nécessité. Avant d’être enregistré en tant que réfugié d‘ici une soixantaine de jours, je devrai m’en sortir grâce aux dons des autres » , et il devra payer en nature pour obtenir des services. Pour répondre à ces besoins, on craint des cas de prostitution occasionnelle, la dernière solution de survie pour les plus vulnérables.
Dans l’urgence, et devant le refus initial du gouvernement kenyan à ouvrir d’autres camps, L’UNHCR a créé une extension au camp d’Ifo. L’ONG s’apprête à mettre en place Kambioos et à ouvrir Ifo II, depuis que le premier ministre a donné son assentiment, afin de désaturer les emplacements existants, de vider les périphéries et d’installer d’autres tentes. En attendant, les nouveaux arrivants sont encore à l’heure actuelle sans vrai espoir. « Dans certaines périphéries reculées, les réfugiés n’ont ni latrine, ni eau, ni structures, ce qui fait redouter le déclenchement d’épidémies comme le choléra » , commente Emilie, membre de l‘ONG française Acted.
Une situation qui devrait s’installer, un peu le même cas de figure que pour les réfugiés de 1991.
Arrivés 20 ans plus tôt de Somalie, ils ont eu le temps de construire des maisonnettes en torchis, des magasins en tôle ondulée, un semblant de vie de village autour d’un marché relativement florissant. Dadaab est d’ailleurs devenu un point attractif de la région. Les villages alentours souffrant également de la sécheresse, certains habitant viennent se faire enregistrer en tant que réfugiés, dans leur propre pays. Ils savent que les produits affluent sur les étals : importés de Somalie ou arrivés en tant qu’aide internationale et revendus dans les camp. Selon Acted, ces communautés du nord Kenya sont menacées d’une véritable catastrophe alimentaire a fortiori si les prochaines saisons des pluies n’avaient pas lieu.

3 commentaires:

  1. Roselyne Chapeau18 août 2011 à 02:20

    Salut à vous,

    je viens de découvrir votre blog via Pomme. Je suis définitivement fan. Je mets un lien immédiatement sur mon propre blog (http://lechapeaudelapie.canalblog.com) : billet d'humeur et photos moches, rien à voir, mais on a quand même quelques lecteurs fidèles qui seront forcément intéressés par votre travail.
    Encore bravo, les textes sont parfaits et les photos plus que magnifiques, continuez !
    Roselyne

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  2. Là, vous tapez fort, les amis.
    C'est pas une piqure de rappel engourdissante comme on voit à la TV, c'est de la dynamite!
    Tu sais chez nous, c'est devenu normal qu'on crève la dalle dans les pays dont on ne connait même pas le nom. Heureusement pour les gens là-bas, il y a UNICEF, alors en fin de compte on s'en fou. Mais là, vraiment, avec votre boulot, ça me met une claque, c'est touchant, c'est réel, on y est avec vous, ... prise de conscience. Touché. Et avec ceci? Un billet d'humeur aiguisé comme un rasoir. Coulé !
    Mille mercis!
    Courage, prenez soin de vous surtout !
    Bisous
    Le Greg

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  3. Salut, je viens enfin de prendre connaissance, en détail, de votre travail et cela confirme le sentiment que j'avais, d'avoir croisé un duo talentueux. Bravo pour la qualité de ces reportages qui méritent clairement plus de publications.
    J'apprends votre expo. à Dijon, aujourd'hui 12 novembre et passerai la voir. Si vous êtes par là, ça serait encore mieux de s'y croiser.
    A bientôt en tout cas.
    Amicalement
    Hervé Scavone

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